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Valerie Malyvanh Jansen, Vanderbilt University et Ingrid Mayer, Vanderbilt University

L’essai mondial MINDACT, qui pourrait entraîner des changements dans le traitement du cancer du sein, a rencontré un large écho. Les résultats de l’étude suggèrent que les femmes ayant un certain profil génétique auraient de bonnes chances de survie et de guérison en l’absence de chimiothérapie.

Si la conclusion est encourageante, les décisions de traitement dans cette pathologie sont complexes. Et cette étude ne fournit par de verdict tout noir ou tout blanc sur la nécessité de la chimio.

Nous, oncologues, considérons cette récente découverte scientifique comme un outil supplémentaire puissant pour évaluer le risque de récidive de la tumeur chez un patient.

Une tumeur plus ou moins agressive

Cependant, les résultats de l’étude ne peuvent pas être utilisés comme unique fondement pour guider la décision. Sur le fond, cet essai est un outil de plus pour renseigner patients et médecins sur le comportement biologique de la tumeur (plus ou moins agressive, plus ou moins de chances de récidive). Le message à retenir est que ces conclusions ne permettent pas encore de décider si on peut se passer de chimiothérapie ou non.

Depuis des années, la chirurgie constitue la première étape pour retirer une tumeur du sein. La chirurgie et la radiothérapie (nécessaire dans certains cas) sont utiles pour contrôler localement la tumeur. La chimiothérapie et/ou les comprimés qui bloquent l’action des hormones sont considérés comme des traitements additionnels ou adjuvants. Ils aident à « stériliser » le reste du corps contre d’éventuelles cellules cancéreuses microscopiques, lesquelles pourraient se séparer de la tumeur d’origine et être responsables, au final, d’une nouvelle tumeur.

Selon la taille de la tumeur

La décision d’administrer une chimiothérapie et/ou une hormonothérapie dépend de nombreux facteurs, dont la taille de la tumeur, son grade, l’état des ganglions lymphatiques, la présence ou non de récepteurs hormonaux et de récepteurs HER2.

Par le passé, la chimiothérapie était administrée à la plupart des femmes. Celle-ci provoque souvent des effets secondaires déplaisants, comme la nausée, la perte de cheveux et la fatigue. Certaines molécules toxiques utilisées peuvent parfois causer des problèmes de santé des années plus tard, mais aussi des problèmes cognitifs ou de mémoire.

De plus, la chimiothérapie demande beaucoup de temps. Elle est chère. Pour toutes ces raisons, la décision de suivre une chimio ou non est très importante pour les centaines de milliers de femmes traitées pour le cancer du sein. On peut comprendre que beaucoup préfèrent s’en dispenser.

Quand la chirurgie suffit

La bonne nouvelle est que beaucoup de femmes à un stade précoce de la maladie peuvent être guéries, parfois sans chimiothérapie à l’issue de la chirurgie.

Les tumeurs au sein sont, parmi les différentes formes de cancer, la plus fréquemment diagnostiquée chez les Américaines. Elles arrivent en second pour la mortalité. Seul le cancer du poumon tue davantage de femmes.

Tous les cancers du sein ne se ressemblent pas. En fait, nous avons découvert que certains sont bien plus agressifs que d’autres. Mais beaucoup réagissent bien aux nouvelles thérapies.

Meilleure compréhension d’une maladie complexe

Les scientifiques ont établi que plus de 75 % des cas de cancer du sein expriment ce qu’on appelle des récepteurs hormonaux. Ce sont des protéines de la cellule cancéreuse « nourries » par l’oestrogène. Ce « carburant » provoque la croissance de la cellule et sa division. Ces cancers sont qualifiés de « positifs » aux récepteurs hormonaux, ou ER+. Le traitement à un stade précoce de ce type de cancer consiste en une chirurgie, parfois une radiothérapie et une hormonothérapie, avec ou sans chimiothérapie.

Une fois que la tumeur d’une femme a été examinée grâce à une biopsie, certains outils destinés à dresser sa carte d’identité peuvent être utilisés pour évaluer le risque de récidive et de décès d’une manière plus précise.

Le logiciel Adjuvant ! Online, d’abord. Il fournit une estimation de l’efficacité de la chimiothérapie, en complément de la thérapie endocrine, à partir des caractéristiques clinico-pathologiques, ou de ce que nous voyons lors de l’examen du patient, ou de ce que les tests de laboratoire nous apprennent.

L’avènement des tests génomiques

Le test Oncotype DX, ensuite. Ce test portant sur 21 gènes a la capacité de prédire le bénéfice de la chimiothérapie et la probabilité de survenue de métastases.

Plus récemment, un troisième outil appelé MammaPrinta été élaboré. Il examine 70 gènes impliqués dans la croissance et la survie des tumeurs du sein. C’est ce test qui a été utilisé dans le fameux essai MINDACT. Contrairement à Oncotype DX, il ne fournit qu’une évaluation du risque (faible ou élevé) pour l’apparition de métastases, mais ne prédit pas le bénéfice de la chimiothérapie.

Le but de MINDACT, un essai international prospectif randomisé de phase 3, était de déterminer s’il était utile d’ajouter cette signature moléculaire de 70 gènes aux critères standards utilisés lors de la sélection des patients pour une chimiothérapie.

Un essai avec tirage au sort

Les femmes ont été choisies au hasard, sur la base d’un risque clinique faible ou élevé, ou d’un risque génomique faible ou élevé. Celles qui avaient des risques clinique et génomique faibles ne recevaient pas de chimiothérapie et n’étaient pas évaluées au cours de l’essai. Celles pour lesquelles ces risques étaient élevés recevaient toutes des chimiothérapies en plus d’une thérapie endocrine, et n’étaient pas non plus évaluées. Les femmes pour lesquelles les risques étaient discordants (c’est-à-dire un risque génomique élevé mais un risque clinique faible, ou l’inverse) ont toutes été traitées par une thérapie endocrine mais ont été tirées au sort pour suivre, ou non, une chimiothérapie.

Dans le groupe des femmes avec un risque clinique élevé mais un risque génomique faible qui ont été traitées par chimiothérapie, il y a eu seulement une augmentation de 1,5 % dans le taux de survie à cinq ans, sans que le cancer ne se propage à un autre organe (95,9 % dans le groupe avec chimio, contre 94,4 % dans le groupe sans chimio). Comme le taux de survie à cinq ans est très similaire dans les deux groupes, il reste difficile de dire qui sont les femmes pouvant vraiment se dispenser de chimiothérapie.

Des résultats similaires ont été trouvés dans le groupe des femmes avec un risque clinique faible mais un risque génomique élevé (c’est-à-dire que le taux de survie à cinq ans était très similaire entre les patientes avec ou sans chimio).

L’exemple de deux patientes

Qu’est ce que cela veut dire, concrètement, pour nos patientes ? Imaginons deux scénarios cliniques.

La patiente numéro 1 est une femme de 55 ans avec une tumeur de 1,5 centimètre qui est ER+, de bas grade, avec une faible vitesse de prolifération, et 0 à 3 ganglions lymphatiques sentinelles. La vitesse de prolifération se réfère au taux de croissance des cellules à l’intérieur de la tumeur (moins de 6 % est un taux bas, plus de 10 % un taux élevé).

Sur la base des caractéristiques cliniques et pathologiques de sa tumeur, cette patiente est considérée comme ayant un risque clinique faible. Selon les résultats de l’essai MINDACT, son risque clinique l’emporterait sur son risque génomique. Ainsi, lui proposer un test MammaPrint serait une perte de temps et d’argent.

Soupir de soulagement chez les médecins

La patiente numéro 2 est une femme de 55 ans avec une tumeur de 3 centimètres qui est ER+, de grade élevé, avec une vitesse de prolifération intermédiaire, avec 2 à 5 ganglions lymphatiques sentinelles. La patiente, inflexible, ne veut pas recevoir de chimio. Sur la base des caractéristiques cliniques et pathologiques de sa tumeur, elle est considérée comme ayant un risque clinique élevé, et la recommandation standard dans son cas serait une chimiothérapie suivie d’une thérapie endocrine.

Si son test MammaPrint indique un risque génomique faible, nous pourrions pousser un soupir de soulagement et lui conseiller de ne pas suivre de chimiothérapie. Elle tirerait certainement bénéfice d’une thérapie endocrine, avec une prise de médicaments quotidienne par voie orale pendant cinq à dix ans qui diminuerait le risque de métastases.

Cependant, il est difficile de dire si elle se trouverait parmi les 1,5 % de patientes qui pourraient tirer un bénéfice de la chimiothérapie mais ne l’ont pas reçu, ou dans le groupe de patientes qui ont échappé à la toxicité de la chimiothérapie grâce à l’essai MINDACT.

Vers des soins personnalisés

Ces cas illustrent la complexité de la prise de décision à une époque où nous détenons une quantité croissante d’informations sur la biologie du cancer de chaque patient. Le test MammaPrint, tel qu’utilisé dans l’essai MINDACT, suggère mais ne prédit pas qu’une patiente va tirer bénéfice de la chimiothérapie. C’est surtout un outil de pronostic qui nous indique que dans son cas, il faut tenir compte de la biologie de la tumeur. Ce que nous savions déjà.

Pour cette raison, nous pensons que ce test est un outil supplémentaire qui peut aider les patientes à mieux mesurer leur risque de récidive. Il est important que les patientes continuent à discuter activement avec leurs médecins sur les options de traitement fondées sur de tels tests pour tendre vers des soins véritablement personnalisés.

The Conversation

Valerie Malyvanh Jansen, Clinical Instructor, Vanderbilt University et Ingrid Mayer, Associate professor of medicine, Vanderbilt University

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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