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Non, les amateurs de café ne risquent pas de cancer… À moins de le boire bouillant

Bernard Stewart, UNSW Australia

L’organisme de recherche contre le cancer au sein de l’Organisation mondiale de la santé a récemment fait deux annonces : l’une positive, l’autre non.

Tout d’abord, il a été affirmé qu’il n’y avait aucune preuve concluante du fait que la consommation de café accroissait le risque de cancer. C’est là une conclusion opposée à celle émise en 1991, à la suite d’études où, après des tests d’évaluation du caractère cancérogène du café, la boisson a été classée comme « possiblement cancérogène pour les humains ».

Mais le comité de l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer (AIRC) qui a ainsi exonéré le café a également trouvé que consommer des boissons à très haute températures – soit 65 degrés et plus – était probablement à l’origine de cas de cancers de l’oesophage.

 

Pas assez de preuves

L’AIRC a évalué la probabilité qu’un agent accroisse le risque de cancer en réunissant des groupes d’expertise qui ont effectué une revue des études publiées. Les données qui ont fondé la conclusion de 1991 sur le lien entre la consommation de café et l’augmentation du risque de cancer de la vessie provenaient d’études dites cas-témoin. Ces études sont couramment utilisées pour évaluer le poids de la preuve dans presque toutes les recherches sur les agents environnementaux suspectés de provoquer le cancer.

Les études cas-témoin se déroulent de la façon suivante : on demande à un groupe, par exemple de malades du cancer de la vessie, et à un autre de nombre égal de personnes bien portantes, quelle était leur consommation de café il y a 10 ans, 20 ans ou encore plus avant. Les deux groupes sont alignés en termes d’âge, de sexe et de statut socio-économique.

Les données produites par ces questionnaires montrent une relation – qui n’est certainement pas une preuve – entre le fait de boire du café et la survenue d’un cancer de la vessie. De telles études sont aujourd’hui considérées comme d’une fiabilité limitée en comparaison avec les études dites prospectives.

Ces dernières collectent des données au sujet, par exemple, des habitudes de tabac, de consommation de boissons et de comportements alimentaires pour une population allant de 500 000 à un million de personnes. Quand, dix ans après ou plus, des diagnostics sont réalisés, quelques centaines de personnes peuvent avoir un cancer de la vessie. Alors, leur consommation de café, avec d’autres données, peuvent être comparées avec les données recueillies dans le groupe large bien portant.

Les études prospectives confirment parfois les études cas-témoin à propos des agents considérés comme cancérogènes. Mais dans le cas de la consommation de café, de récents travaux prospectifs n’ont pas pu établir de corrélation entre la prise de café et un risque accru de cancer de la vessie ou d’autres tumeurs.

Certains résultats suggèrent même une réduction du risque pour certains cancers – comme celui du foie – grâce au café. Pour utiliser l’expression formelle de l’AIRC, la consommation de café est inclassifiable comme cancérogène humain.

 

Boissons très chaudes

Datant également de 1991, l’affirmation selon laquelle la consommation de maté, une infusion bue communément en Amérique du Sud, était probablement cancérogène pour les humains, liée à la survenue du cancer de l’oesophage.

Le Maté est bu à travers l’Amérique du Sud. Lee/Flickr, CC BY

Élément intéressant : au début des années 1970, on a découvert que l’incidence du cancer de l’oesophage variait considérablement – jusqu’à un facteur 100 – dans des populations diverses vivant au sud de la Mer Caspienne. La consommation de boissons très chaudes avait été pointée dans les différences.

Ainsi, le risque n’est pas une conséquence du type de boisson consommée (Maté, café ou autres) mais de la température à laquelle elles sont bues. Mais comment la température peut-elle être liée au cancer ? Les boissons chaudes endommagent les tissus corporels, particulièrement ceux qui enveloppent l’oesophage, un tube qui va de la gorge jusqu’à l’estomac. En général, des blessures corporelles provenant d’un coup de chaud ne sont pas réputées causer le cancer.

Mais des données expérimentales suggèrent qu’un cancer peut se déclarer quand les tissus lésés entrent en contact avec un carcinogène comme les dérivés N-nitrosés, des composés chimiques. Les plus dangereux d’entre eux sont ceux qui dérivent de la nicotine du tabac et sont spécifiquement responsables de certains cancers du fumeur.

D’autres études ont suggéré que ces composés pouvaient être trouvés dans les viandes salées, le bacon, le poisson fumé et la bière.

L’oesophage est un tube qui va de la gorge jusqu’à l’estomac. Shutterstock
 

Il y a nombre d’exemples où l’exposition à un carcinogène combinée avec une blessure ou une inflammation chronique a été déterminée comme étant la cause d’un cancer. Par exemple, certains cancers de l’estomac ont été attribués à la combinaison dérivés N-nitrosés et gastro-infection.

La dernière classification a été fondée sur des données recueillies à partir de tout un panel d’études expérimentales. Elles ont conclu que boire des boissons très chaudes (y compris l’eau) à une température supérieure à 65 degrés est « probablement cancérogène pour les humains ».

« Probablement cancérogène » signifie qu’une fois tous les éléments de preuve examinés ensemble, il y a une indication claire de causalité d’un cancer après exposition à la substance considérée. Dans le même temps, des inconsistances ou des données peu compréhensibles empêchent d’adopter une formulation telle que cet agent « est cancérogène pour les humains ».

Cette catégorisation, appliquée à des agents comme le tabac, signifie effectivement que la preuve du caractère carcinogène de la substance chez les humains a été apportée.

Le cancer n’est pas causé par n’importe quoi mais une somme considérable de données doit être collectée pour clairement évaluer un risque de cancer. Bien souvent, cette claire indication devient une preuve dans le cas de l’incidence de cancers pour des populations exposées à certains produits chimiques, notamment sur les lieux de travail, mais, dans une bien moindre mesure, dans le cas de la consommation de certains aliments ou boissons. Dans ces cas, le risque devient connu au fil du temps.

The Conversation

Bernard Stewart, Professor, Paediatrics, Cancer and related disorders, Epidemiology, Biochemistry and Cell Biology, UNSW Australia

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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