Advertisements

Les produits laitiers sont-ils bons pour la santé ?

Sophie Medlin, King’s College London

En lisant le titre de cet article, vous vous êtes peut-être dit « Évidemment, les produits laitiers sont bons pour la santé » ou au contraire, « Bien sûr que non, il ne faut pas en consommer ». Sauf qu’en matière de nutrition, mieux vaut s’appuyer sur des faits scientifiques plutôt que sur des opinions – voici donc où en est la recherche en la matière.

D’un point de vue nutritionnel, le lait est particulièrement intéressant. Le sucre qu’il contient s’appelle le lactose. Or, pour être digéré, le lactose a besoin de l’intervention d’une enzyme, la lactase, qui lui permet de franchir la barrière intestinale et d’entrer dans la circulation sanguine. Les bébés produisent cette enzyme en abondance, afin d’assimiler le lait maternel. Au sein des populations où, historiquement, la consommation de lait a toujours été faible, comme au Japon et en Chine, la plupart des enfants arrêtent de produire de la lactase dès qu’ils sont sevrés – c’est ainsi que des populations entières souffrent d’« intolérance au lactose », c’est-à-dire qu’elles sont incapables d’assimiler le lactose du lait.

Au sein des populations où la consommation de lait a toujours été importante, comme en Europe, la plupart des adultes continuent à produire de la lactase tout au long de leur vie et ne rencontrent pas de difficultés particulières pour digérer le lait puisque seule 5 % de la population est intolérante au lactose.

Le fait de continuer à produire de la lactase à l’âge adulte provient d’une variation génétique héréditaire qui s’est largement répandue, la capacité à assimiler le lait comprenant beaucoup d’avantages pour l’évolution de l’espèce humaine. Le lait est en effet une source utile de protéines, d’énergie, de calcium, de phosphate, de vitamine B et d’iode, ce qui signifie que parmi nos ancêtres, ceux qui disposaient de cette mutation génétique étaient généralement en meilleure santé et se reproduisaient davantage que ceux qui étaient intolérants au lactose ; c’est sans doute pourquoi cette mutation s’est généralisée.

L’intolérance au lactose peut provoquer des gaz, des ballonnements et la diarrhée : si vous ne présentez aucun de ces symptômes après avoir bu du lait ou avoir mangé de la crème glacée, alors tout va bien.

Fermentation

Les « grains » de Kefir après filtrage… A. Kniesel/Wikipedia, CC BY-SA

La littérature scientifique offre un certain nombre de preuves que dans le nord de l’Europe, le lait fait partie de l’alimentation humaine depuis plus de 8 000 ans, soit depuis que les populations sont passées d’un mode de vie nomade à un mode de vie plus sédentaire. Parce qu’il y a 8 000 ans de cela, les humains ne digéraient pas le lait aussi bien qu’aujourd’hui, ils utilisaient le lait fermenté, sous forme de fromage ou de yaourt, qui était bien plus digeste. Le processus de transformation nécessaire pour la fabrication du fromage ou du yaourt permet en effet aux bactéries de consommer le lactose du lait. Ainsi, ceux qui ne produisaient pas naturellement de lactase pouvaient quand même bénéficier des nutriments du lait.

Aujourd’hui, ceux qui sont intolérants au lactose peuvent boire du kefir, une boisson au lait fermenté fabriquée à partir d’un levain, réputée bonne pour la santé, en particulier pour la flore intestinale.

Ainsi, les produits laitiers ont joué un rôle important dans la nutrition et même pour la survie de nombreuses populations dans le monde, et la plupart des Européens et des habitants d’Amérique du Nord sont équipés pour les digérer. Si on vous a dit que les humains n’étaient pas faits pour consommer des produits laitiers, ce n’est pas vrai. De même, les produits laitiers ne favorisent pas particulièrement les inflammations ou l’acidité gastrique.

 

Calcium

Les spécialistes de la nutrition comme les diététiciens partent généralement du principe que comme le lait est riche en calcium, en consommer permettrait de maintenir le niveau de calcium dans nos os. Cependant, deux études récentes remettent en question cette hypothèse. Il semblerait, en étudiant les données de plus près et de façon plus systématique, qu’en réalité, quelle que soit la quantité de calcium que vous absorbez, le risque de fracture soit identique.

Ceci étant dit, nous savons aussi que dans les populations où les produits laitiers sont presque absents de l’alimentation, comme en Chine ou au Japon, l’incidence des fractures de la hanche – qui résulte d’une faible densité osseuse – est 150 % plus importante que dans la population européenne ou américaine d’origine caucasienne.

Ce qu’il faut garder à l’esprit à propos de ces études, c’est qu’elles s’intéressent à la consommation de calcium à l’âge adulte. Toutefois, nous savons que la solidité de nos os est fonction de notre alimentation au moment de l’enfance et de l’adolescence. Les études qui portent sur les enfants allergiques au lait de vache montrent par exemple que la solidité de leurs os est sérieusement compromise par les carences en lait dans leur alimentation, et l’on voit aussi que les traitements de désensibilisation voués à réinclure le lait dans leur alimentation ont pour effet de renforcer leurs os.

Notons également que les enfants qui souffrent de cette allergie et qui reçoivent du calcium sous d’autres formes que dans les produits laitiers ont quand même des os plus fragiles. Il semble donc que les alternatives aux produits laitiers sont insuffisantes pour renforcer la densité des os des enfants.

On voit donc que la consommation de lait est importante pour le développement et la solidité des os chez les enfants ; quant aux adultes, le fait qu’ils consomment du lait ne les met pas à l’abri d’une fracture. Mais n’oublions pas que le lait et les produits laitiers comprennent bien d’autres nutriments que le calcium.

D’après certaines études, quand les produits laitiers sont remplacés par des aliments également riches en calcium, comme les légumes à feuilles vertes, ou le lait de soja enrichi en calcium, l’alimentation manque de protéines, de potassium, de magnésium, de phosphore, de riboflavine, de vitamine A et de vitamine B12.

En matière de santé, on peut donc affirmer qu’en tant qu’adultes, nous n’avons pas nécessairement besoin de consommer des produits laitiers. Cependant, le lait et les produits laitiers sont des aliments pratiques, dotés de qualités nutritionnelles intéressantes, et nous fournissent des nutriments essentiels qu’il est difficile de rassembler à travers la consommation d’autres aliments. Dans les pays où la consommation de lait est culturellement répandue, nous nous sommes très bien adaptés à sa consommation, et nous pouvons en tirer de nombreux bénéfices santé.

The Conversation

Sophie Medlin, ‎Lecturer in Nutrition and Dietetics, King’s College London

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Advertisements