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Chaque matin, depuis un an, Nick Hess se réveille avec les symptômes classiques d’un «lendemain de veille» bien arrosé: maux d’estomac, nausées et maux de tête. . Le problème est que ce Britannique de 34 ans ne boit pas d’alcool. Après certains repas, il paraissait ivre aux yeux de ses proches, sans qu’il ne puisse s’expliquer cette situation. En fait, Nick Hess a finalement découvert qu’il souffrait du syndrome d’auto-brasserie, une condition médicale très rare et quelque peu controversée dans la communauté scientifique. Ce syndrome serait dû à une prolifération anormale de levures (comme Saccharomyces cerevisiae ou Candida albicans) dans l’intestin, qui transforment les glucides absorbés en alcool qui est par la suite absorbé dans le sang. Nick Heiss n’est pas le premier à souffrir de ce syndrome. Déjà, en 1976, un premier cas, un japonais, avait fait l’objet d’une publication scientifique. Puis 1984, deux autres cas, eux aussi japonais, sont mentionnés dans le Journal of the Forensic Science Society. On peut voir sur le graphique ci-dessous la concentration d’alcool (éthanol) dans l’air expiré et dans le sang d’un des deux patients alors qu’il venait de consommé un repas sans aucune trace d’alcool.

Trente-sept autres cas ont été signalés au Japon depuis 1952, chez des personnes âgées de 1 à 75 ans. Le Japon semble donc être particulièrement touché par ce syndrome. Pour quelle raison? En fait, tout le monde possède des levures dans son intestin, lesquelles transforment les glucides absorbés via les aliments en alcool. Dans le cas des patients japonais, une quantité importante de levures, combinée à une alimentation riche en glucides (liée au riz) et une enzyme hépatique anormale (retrouvée dans la population japonaise), implique que ces patients ne pouvaient pas décomposer l’alcool assez rapidement et celui-ci se retrouvait donc dans le sang. Certains patients atteints du syndrome d’auto-brasserie peuvent atteindre des taux d’alcoolémie supérieurs au taux légal pour la conduite automobile de 80 mg par 100 mL, allant même jusqu’à 120 mg par 100 mL, soit l’équivalent de 7 verres de whisky. Le taux d’alcool naturellement produit par le corps chez des sujets sains ou chez des personnes souffrant de divers troubles métaboliques (diabète, hépatite, ou encore cirrhose), varie de 0 à 0,08 mg par 100 mL, précisent les scientifiques. Une dernière publication sur le sujet, en 2013, racontait l’histoire d’un homme d’une soixantaine d’années arrivé aux urgences ivre, alors qu’il jurait ne pas avoir bu une goutte d’alcool, ce jour-là. Chez ce patient, comme chez Nick Heiss, l’enzyme hépatique est normale. La seule responsable est la levure Saccharomyces cerevisiae, la même qui fermente les sucres contenus dans le pain, les pâtes, ou encore les frites et la bière en alcool. En quantité trop importante, la fermentation devient presque systématique. Une véritable brasserie dans l’estomac… Heureusement, ce syndrome se soigne. Ce sexagénaire a été soigné grâce à des antifongiques et un régime pauvre en glucides. Ce fut aussi le cas de Nick Hess, et d’un autre patient qui possédait 400 % plus de levure dans ses intestins qu’un individu «sain». «C’est le plus gros taux de levure que j’ai pu constater dans toute ma carrière, chez une personne», a déclaré le docteur Anup Kanodia, qui s’est chargé de le soigner. Face au peu de connaissances relatifs à ce syndrome, certains scientifiques doutent de son existence. Par exemple, le toxicologue Wayne Jones : «Tout l’alcool que nous produisons dans l’intestin à partir des glucides doit passer par le foie avant de se retrouver dans la circulation sanguine. Or dans le foie, nous avons des enzymes qui transforment l’alcool de sorte que la quasi-totalité de celui-ci n’aille pas dans le sang», explique-t-il. «Donc ces personnes ne peuvent pas produire assez d’alcool dans leur sang au point que cela ait une importance médicale, simplement à partir d’un déséquilibre du nombre de levures —à l’exception des quelques cas exceptionnels recensés au Japon», juge-t-il. Un point de vue qui n’éclairera pas la lanterne de l’infortuné Nick Hess.

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