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La modification génétique peut être un sujet controversé, mais les scientifiques l’ont fait avec succès depuis des années. Les chercheurs peuvent précisément couper, extraire et changer des gènes dans les microbes, les cellules humaines, les plantes et même des embryons animaux. Aucun doute que ces techniques ouvrent une multitude de possibilités sur  la façon de modifier les organismes. Cependant, à quel niveau doit-on tracer la ligne de ce qui est éthiquement acceptable ou non? C’est un débat permanent entre les scientifiques et le public, mais les discussions ont été récemment été relancées par des rumeurs qui circulaient à l’effet que des scientifiques chinois auraient modifié le génome d’embryons humains. Aujourd‘hui nous savons que ces rumeurs étaient bel et bien fondées. L’équipe de Junjiu Huang, généticien de l’université Sun Yat-sen a effectivement annoncé, mercredi le 22 avril  dernier, avoir procédé à des modifications génétiques sur des embryons humains en publiant les résultats de leur expérience dans la revue  Protein & Cell. Cette nouvelle a eu l’effet d’une bombe dans le milieu de la génétique. Difficile de ne pas considérer cet exploit comme historique étant donné que ce geste est le premier pas concret fait en direction d’une intervention génétique de l’homme sur l’homme, et ce, avant la naissance. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles la modification d’embryons humains est un sujet chaudement débattu. Tout d’abord, l’individu concerné ne peut évidemment pas consentir à la procédure, mais si l’embryon, ou l’humain en devenir, ne pouvaient survivre sans elle, alors sans doute que le problème ne se poserait pas. Cependant, une partie du débat repose sur les impacts non-désirés d’une telle intervention et non apparents au départ. Par exemple, comme souligné dans la revue Nature, une fois l’ADN de l’embryon modifié, ces changements seront transmis aux générations suivantes, à la descendance.  Une fois encore, il est difficile de prévoir quels effets ils auront sur les générations futures. Une fois la technique au point, pourra-t-on, éthiquement parlant, choisir les caractères physiques ou psychologiques? Belle discussion en perspective mais qu’il faudra bientôt régler car le possibilité d’accomplir la procédure se concrétise de plus en plus.   Bien sûr, il est facile de soutenir que la technique pourrait offrir un moyen d’éliminer des maladies génétiques,comme par exemple la fibrose kystique ou autres. C’est dans cette optique que les chercheurs de l’Université Sun Yat-sen à Guangzhou ont commencé à étudier la possibilité de modifier le gène défectueux responsable d’un trouble héréditaire du sang potentiellement mortelle appelée bêta-thalassémie, ou anémie de  Cooley. Cette pathologie se traduit par un ensemble typique de symptômes tels qu’une modification des os du crâne conférant un faciès mongoloïde, qui apparaît dans l’enfance, un retard de croissance, une splénomégalie (rate de grande taille) et une anémie microcytaire (globules rouges de petite taille) importante. Les chercheurs, afin d’éviter la controverse, ont d’abord recueilli des embryons d’une clinique de fertilité qui étaient non viables. Bien que ceux-ci  aient été conçus par fécondation in vitro, ils se sont retrouvés avec un trop grand nombre de chromosomes car ils ont été fécondés par plusieurs spermatozoïdes, de sorte qu’ils ne pouvaient aboutir à une naissance. Ils ont ensuite utilisé une technique bien établie appelée CRISPR/Cas9, qui est un complexe d’enzymes bactériennes qui se comportent comme une paire de ciseaux moléculaires, se liant spécifiquement à certains segments d’ADN pour les couper. Grâce à cet outil génétique, il devient possible – et même assez facile – de cibler n’importe quel gène dans une cellule pour le modifier. Après injection de ces enzymes dans 86 embryons, les chercheurs ont remplacé les gènes défectueux avec des gènes sains et contrôlés leur développement. Ainsi sur les 86 embryons inclus dans les essais, 71 ont survécu et seulement 28 ont pu être génétiquement manipulés. Mais ce n’est que chez une fraction d’entre eux que la suppression du gène défectueux a été partiellement réussie. Il s’agit donc d’un demi-échec.  Même que les enzymes ont également ajouté de nombreuses mutations chez certains embryons, suggérant que le système agit de manière imprécise et est donc beaucoup trop imprévisible pour être utilisé pour éradiquer les maladies à ce stade. De plus, un taux de réussite frisant les 100 pour cent devra être atteint pour que des parents prennent éventuellement le risque d’appliquer la procédure sur un embryon. Mais les chercheurs ne se laissent pas décourager par ce revers, et prévoient de poursuivre leur travail en vue d’améliorer la technique. En effet, au moins quatre autres groupes de recherche en Chine procéderaient en ce moment à des expériences similaires. « C’est la première fois que la méthode CRISPR/Cas9 est appliquée à des embryons humains. Et une telle étude est à la fois un point de repère, aussi bien qu’un récit édifiant », explique à la revue Nature George Daley, biologiste spécialisé dans les cellules souches de l’Ecole de Médecine de Harvard (Boston). « Leur étude devrait être un avertissement sévère lancé à n’importe quel praticien qui pense que la technologie est prête pour tester la suppression de gènes de maladie », prévient-il. Aux Etats-Unis, l’Alliance américaine pour la médecine régénérative (ARM) a réagi jeudi 23 avril 2015 en appelant à un moratoire volontaire mondial sur ce type de travaux sur l’ADN humain, qualifiés de « très prématurés » et qu’il est inacceptable de poursuivre à ce stade. Pour l’ARM, un moratoire déjà évoqué précédemment par plusieurs organismes scientifiques permettrait des discussions rigoureuses et transparentes sur l’aspect légal et en matière de politiques à suivre, ainsi qu’un débat public sur la science, la sûreté et l’éthique de la modification des embryons humains.

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