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En 2009, l’équipe de chercheurs de Maria Dominguez-Bello, microbiologiste de l’école de médecine de l’université de New York, est allée à la rencontre de la tribu isolée de Yanomami, tribu vivant dans les montagnes reculées de la jungle amazonienne du Venezuela. Composée de 54 chasseurs-cueilleurs, cette tribu n’avait jamais été exposée à la médecine moderne et à la nourriture occidentale. Quelle belle occasion d’étudier la santé et la médecine pratiquée par cette peuplade primitive. Mais à la grande surprise des scientifiques, en prélevant des échantillons sur 34 membres de la tribu (bouche, peau et selles), ils ont découvert que ces Yanomami possédaient des gènes leur procurant une résistance aux antibiotiques 30 fois plus grande. «Une demi-douzaine de gènes pouvaient même inactiver des médicaments modernes», expliquent les chercheurs dans leur étude publiée dans la revue Science Advances. Or cette tribu n’a jamais ingéré d’antibiotiques ou mangé d’animaux élevés aux médicaments… Même si cette tribu de Yanomami porte des T-shirts, a des machettes et des boîtes de conserve, suggérant des contacts avec d’autres tribus, elle a été très peu exposée au monde extérieur. Selon les chercheurs, les bactéries intestinales des Yanomami ont évolué de manière à lutter contre un grand nombre de toxines qui les menaçaient directement dans leur environnement, et dont la structure moléculaire est probablement semblable à celle d’antibiotiques utilisés en médecine moderne. Les scientifiques ont également découvert que le «microbiome» (flore bactérienne intestinale) des membres de cette tribu était beaucoup plus varié que celui des communautés rurales du Venezuela et du Malawi. Il est même deux fois plus diversifié que celui observé dans un groupe référent de nord-américains. «Ce résultat n’est pas surprenant puisque la diversité du microbiome diminue lorsque l’on mange de la nourriture industrielle, lorsque l’on prend des antibiotiques, ou encore lorsque l’on se lave les mains avec du gel anti-bactérien», expliquent les scientifiques. Les Yanomami sont d’ailleurs généralement en bonne santé, sans doute grâce à ce microbiome qui «contient peut-être les plus hauts niveaux de diversité bactériennes jamais observés dans un groupe humain», notent les chercheurs. Ces derniers n’ont pas non plus vu de cas d’obésité ou de malnutrition parmi les membres de cette tribu, qui se nourrissent de poissons, de grenouilles, d’insectes, de bananes plantains et d’une boisson au melon fermenté. À noter que les chercheurs n’ont prélevé aucun échantillon de leur nourriture ou de leur boisson, ce qui aurait pu fournir des indications sur la diversité de la flore intestinale des Yanomami. En conclusion, même si les chercheurs s’attendaient à identifier une certaine résistance aux antibiotiques dans cette tribu, étant donné la présence, dans les micro-organismes du sol, de gènes résistants aux bactéries depuis des millions d’années, mais ils n’imaginaient pas trouver chez les Yanomami une antibiorésistance aussi importante. Christina Warinner, une anthropologue de l’université de l’Oklahoma n’ayant pas pris part à cette étude, qualifie, dans la revue Science, cette découverte de troublante. «Cette étude suggère que la résistance aux antibiotiques est ancienne, diversifiée, et étonnamment répandue dans la nature»commente-t-elle. «Cette étude souligne le besoin de développer la recherche vers de nouveaux antibiotiques parce que, sinon, nous allons perdre la bataille contre les maladies infectieuses», concluent quant à eux les auteurs de la publication.

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