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Si on vous demandait de nommer un poison connu, la plupart mentionnerait le cyanure ou l’arsenic. Dans le cas du dernier, plusieurs cas connus d’empoisonnements à l’arsenic sont célèbres : François 1er, George III d’Angleterre ou encore les peintres Cézanne et Monet ont en commun d’avoir souffert d’un empoisonnement à l’arsenic. Sans doute criminel et aigu pour le premier et chronique pour les autres – de l’arsenic composaient certains pigments de leurs peintures et George III en aurait absorbé dans ses traitements pour «soigner» sa démence. Ils pourraient tous témoigner des conséquences néfastes de l’absorption d’arsenic pour la santé : douleurs œsophagiennes et abdominales et diarrhées sanguinolentes en cas de prises aiguës. Cancers de la peau, du poumon, de la vessie et du rein ou diabète lors d’une exposition prolongée. Malgré les effets toxiques de l’arsenic, certaines communautés d’Amérique du Sud semblent pouvoir résister aux effets néfastes du métal. Ainsi, une équipe de l’université d’Uppsala s’est intéressée à certaines populations vivant dans les montagnes des Andes qui seraient exposées à des taux élevés d’arsenic, et ce, depuis des milliers d’années. Et elles semblent très bien supporté cette imprégnation chronique consécutive à un phénomène naturel. L’arsenic, contenu dans les roches volcaniques de la région, est libéré dans les eaux souterraines et donc consommées quotidiennement par les habitants de la région. Dans un article paru en ligne sur le site de la revue Molecular Biology and Evolution, des chercheurs suédois montrent comment ces habitants hauts perchés ont évolué pour contrôler ce poison. L’équipe de chercheurs a analysé le génome d’un groupe de 124 femmes andines qui ont la capacité de métaboliser l’arsenic, comme le montrait la présence de produits de dégradation du poison dans leur urine. L’étude a mis en évidence un ensemble clé de nucléotides mutés dans un gène (AS3MT), présent sur le chromosome 10. Ce sont eux qui confèrent à ces femmes la capacité de métaboliser l’arsenic, c’est-à-dire de l’éliminer. Selon les scientifiques, ces mutations sont présentes dans le monde entier mais distribuées avec des fréquences plus élevées dans les Andes, à l’Est de l’Asie et au Vietnam, une région aussi reconnue pour avoir des taux d’arsenic dans l’eau très élevés. C’est la première fois qu’une étude prouve que l’homme peut s’adapter à une imprégnation chronique à l’arsenic. Les chercheurs estiment que cette adaptation s’est produite il y a un peu moins de 10 000 ans. Ils se fondent sur la découverte d’une momie datée de cette période et qui avait des niveaux élevés d’arsenic dans les cheveux. Pourquoi cette adaptation est-elle apparue dans ces montagnes ? Sans doute, spéculent les auteurs, à cause des effets sévères sur la santé induits par la consommation d’eau polluée par l’arsenic : elle affectait particulièrement les enfants et les jeunes gens en âge de se reproduire si bien que pour cette population l’adaptation était une question de vie ou de mort.

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